Campagnes et sans pagnes dans les ténèbres.
Mohamed Hanefi - Une longue et lugubre salve de kalachnikov, déchira le calme liquide de la nuit du village. En principe, pendant que le principe appartenait aux principes, le port de cette arme est interdit aux civils.
Le claquement sec de l’ensemble mobile de l’arme, sur la butée du chargeur vide sonna comme un avertissement sec. Une conclusion martiale. Un peu comme le verdict d’un juge d’une cour de cassation.
Quelques jours plutôt, à la veille du ramadan, j’avais envoyé le garçon, revenu du Qatar, avec quelque maigres aides pour les villages. Façon de leur permettre de colorer l’eau à la rupture du jeûne, ou de réduire le glouglou incongru des grondements intestinaux au crépuscule.
En cette période douloureuse, ou les cœurs logeaient dans les gorges, aucune âme charitable ne s’occupait de porter secours à cette zone sinistrée par l’une des sècheresses les plus impitoyable qu’ait connu la région. Situation, qui n’a jamais inquiété les campagnes électorales.
Je l’ai rejoint la veille de la fête du Fitr, avec toute la famille. Bezoul était éternellement Bezoul, exactement comme ses frères les deux autres Bezoul 2 et 3. L’appendice Diam Walli, qui jouxte son voisin les Oulad Imigen, et observe de loin sa cousine éloignée Diawlé.
Diawlé, dont les habitants séculaires furent dépossédés du périmètre, qu’ils cultivaient ainsi qu’avaient fait leurs ancêtres. Un maitre tenace et peu encombré de principes ;appuyé par les tentacules de l’injustice chronique, a eu raison de la pauvre résistance de ces parias, oubliés du ciel et de la terre.
Le patrimoine n’est pas perdu sans fracas et les hommes du village, y compris le doyen Y…, furent emprisonnés le temps de revenir au réel.
Processus normal, quand on sait que l’exploitation de ces citoyens, mis en marge par cette curieuse société, se fait toujours sur fond de menaces et d’intimidation. Exactement comme cette rafale de « Kalachnikov », qui est venu rappeler aux paysans effrayés, le sens de la soumission et les règles de la prophylaxie par l’obéissance. La soumission dosée et la paralysie du silence.
Un rappel, a qui ose l’oublier que la loi de la force et des suprématies désuètes, prime la force de la loi, en ces contrées figées dans les ruines de l’ignorance et de la dévaluation humaine.
Pourtant cette rafale annonçait une heureuse occasion : le mariage de F… la fille de Z… un pauvre asocial , qui vivait dans la forêt jalonnant le bord du fleuve. Il a toujours vécu isolé de la communauté, jusqu’au moment, où les forces féodales, menacées par la pression de l’état, qui lui-même, plie, sous celle de la communauté internationale, des droits de l’homme, décida de le mettre à l’avant de la scène pour gifler le faible par sa propre main.
Z… constituait le bâton idéal pour manipuler le troupeau. Sa nouvelle situation de distingué et son droit devenu quotidien de monter dans les cylindrées rutilantes des grands, le transforma rapidement en superviseur étrange, de cette mutation en catastrophe. Une situation devenue inacceptable, et qui transitait scientifiquement vers une injustice, qui avait les moyens de le rester, et qui ne voulait faire aucune concession.
Quelque part à Nouakchott, les autorités exigeaient une certaine crédibilité dans la gestion des citoyens, devenus encombrants et une transparence, nécessaire, pour que l’opinion nationale et internationale, se convainc que cet esclavage familial, prenait fin…enfin.
C’était sans compter sur l’élasticité et la ruse sans limite de cet anaconda national, sevré à se nourrir sur la chair et le sang humain et qui n’était pas prêt à lâcher prise.
Aucune influence sur l’élection d’élus, élus uniquement pour être « des élus ». La tactique a consisté à jeter du lest aux chasseurs de primes qui jouaient sur les déséquilibre de l’esclavage, du passif humanitaire, du droit des femmes des enfants des animaux, des oiseaux etc… ceux qui ne cherchaient qu’à se positionner « légalement » dans le « cercle du privilège » national.
Il s’agissait de reculer pour mieux redémarrer ce triste déséquilibre sur de nouvelles bases, moins flagrantes. Et la tactique n’a que trop marché.
Les Biram (en prison, m’a-t-on dit pour faire vrai), les Saad, les bilals, les falls, les false-Bilal, les valseurs politiques les criards, les braillards, les hâbleurs, les grosses gueules se classèrent dans les postes, les voitures, les villas. Et le péché continua, sans inquiétude, ni obstacle en vue.
Le mauritanien pouvait continuer à manger du mauritanien, sans être taxé de cannibalisme.
Au moment où je note ce paragraphe, sur ce clavier une voiture « Avensis » s’est garée à l’entrée du village. Les habitants sur un signe, qui n’est jamais sorti de la tradition, se sont précipités docilement pour livrer leurs cartes d’identités, pour l’enregistrement. Ils savent seulement qu’ils ont satisfait la volonté de Dieu sur terre. L’air satisfaits, ils revenaient dans leurs taudis.
Quelques-uns se frottaient sur la voiture neuve, le sourire béat ; peut-être en auront-ils un peu de « Baraka ». Le président Ould Abd Al Aziz, peut avoir la conscience tranquille : les hommes qui seront élus pour son nouveau système régional, lui présenteront des centaines de milliers d’électeurs, qui les avaient choisis « démocratiquement », (cardidenditaat à l’appui). Ceux qui n’ont jamais quitté le pouvoir tribalo-féodal, resteront les maitres de la terre et de ce qu’il y a sur son dos …du moins tant que le Maitre du Ciel, acceptera la souffrance et le mépris de Ses créatures.
Mon séjour en Mauritanie, bien que mordu par la nostalgie du pays, s’est limité à vivre au milieu de ces parents misérables. Avec ma famille et mes trois fils Rachid revenu du Qatar Yacine d’Algérie et Abdalla venu avec nous du Koweït. Ils avaient commencé les secours avant notre arrivée. Nous avons un « Mbar » 6 fois 5 mètres, construit en 1999 et une tente…un château…
Je sais que mes fils hors système, ne connaitront aucune insertion dans leur pays… Ils sont entre les mains de Dieu… Et ça suffit.
C’est un flagrant manque de modestie, mais je suis fier d’être plus fort et plus efficace que le gouvernement mauritanien : j’ai partagé chaque matin, mon petit morceau de pain « Lahtaab », avec des dizaines d’enfants en loques, de vieillards épuisés, de vieilles femmes, qui m’avaient donné le sein, quand j’étais incapable de me laver tout seul. Le four de Maqqam Ibrahim, chez les Oulad Enahwi, n’a pas lésiné sur les moyens pour nous ravitailler chaque matin en pain chaud.
J’ai dépensé mon avoir, pour acheter le poisson mauritanien du fleuve mauritanien, de pêcheurs mauritaniens, et le savourer avec des concitoyens dans le besoin. Sans rien donner ou vendre aux chinois ou aux esquimaux.
J’ai prié le « fajar » avec des âmes pures, qui n’ont jamais rien volé à personne, ni fait de mal à une mouche.
J’ai dormi la conscience tranquille, bercé par la brise fraiche d’une terre que je ne trahirai jamais et au milieu d’un peuple que je ne travaillerai à aucun prix à affaiblir.
Je suis sûr qu’en ces jours, où ma petite fille Yasmine a été rudement mise à l’épreuve par le climat et la nourriture qu’elle ne connaissait pas, j’étais tout prêt de Dieu et que sa miséricorde nous enveloppait, ma famille et moi. Et quelle satisfaction !!!!!!!!!!
Ma conviction éternelle a toujours été que mes deux mains gardaient deux secrets incontournables du futur : L’un est que l’une d’elle me servira d’oreiller dans la tombe et que l’autre recevra ma subsistance garantie par Allah, le Maitre des subsistances.
Et je n’en suis pas mort…bien au contraire.
Al Hamdoulillah que je ne me fourre pas les tripes par le malheur de mes concitoyens!!!!!!!
J’ai observé Dieu, les campagnes et les sans-pagnes, et j’ai eu peur. Combien j’ai prié pour que ces terres arides et hospitalière, puissent chuchoter dans l’oreille de ceux qui amassent ramassent et thésaurisent que le partage est un trésor bien plus précieux que les comptes en banque.
Combien j’ai demandé au Seigneur des mondes de faire que ceux qui ont vécu sur la ruse, le mensonge et la supercherie, permettent au pays de changer dans la paix…pendant que le Créateur leur en donne l’occasion.
Vous êtes beaucoup plus pauvres que ceux sur le dos desquels vous bâtissez votre richesse. Votre misère est une pauvreté de la conscience et une faiblesse de la foi. Une véritable faiblesse de la croyance et de la morale.
Je prends Dieu à Témoin, le plus Garant des témoins, que depuis une trentaine d’années, j’ai usé de tous les moyens en ma possession, pour attirer l’attention des différents gouvernements mauritaniens, sur la nécessité de jeter un coup d’œil de plus près sur la « réelle » situation de ces citoyens, immolés dans les plis de l’histoire par l’injustice de l’homme.
Si j’ai un conseil à donner aux jeunes issus de familles « nobles », les guillemets, n’ayant aucune intention péjoratives, je connais nombre d’entre vous, intellectuels, intelligents et responsables, n’acceptez pas que les crimes se fassent et perdurent en votre nom. Ceux qui sont en face ne sont ni vos sujets, ni votre propriété, ni vos esclaves. Ce sont vos frères en citoyenneté. Ils sont vos frères et votre support le jour de la difficulté…souvent ils sont les meilleurs.
Revenez aux paroles de Dieu et à celles de son prophète, purifiées de la mauvaise interprétation humaine.
Au lieu des abolitionnistes, le rôle du changement est le vôtre. Saisissez l’occasion de vous absoudre d’un péché qui n’a que trop duré…et qui sait ? Peut-être que votre action absoudra vos ascendants par la même occasion.
Et si j’ai une proposition à avancer au gouvernement de cette terre, elle se résume en ceci : Merci à tous ceux d’entre vous qui ont servi ou qui continuent à servir honnêtement ce pays. Mais après avoir rempli vos yeux de belles routes, de belles villas, de belle voitures, de belles femmes d’un bel aéroport, d’un super château pour « accueillir les invités », rappelez-vous que vous avez la responsabilité de tout un pays et non celle d’une capitale, ou plus injustement du quartier de Tavraq Zeina.
Vous allez quitter tout ceci et vous serez interrogés sur le sort de chaque citoyen que vous auriez laissé à la merci de ce que vous savez…Dieu vous aide, ce fardeau est bien pesant.
De 1984 à nos jours, j’ai vu deux entrées de l’autorité dans ces villages : la première était pour collecter 200 ouguiyas sur chaque « Mbar » et la deuxième pour ramasser les cartes d’identité, Dieu Sait vers quelle destination. Le capital le plus précieux et le plus fondamental de la nation mauritanienne, réduit en paquets humains, étiquetés par des cartes d’identification, dont les détenteurs n’auront jamais l’opportunité d’apprécier ni la sacralité ni la valeur.
Pour que cela continu, vous aurez besoin de 4 garanties :
-Une vie sans la mort.
-Une santé sans maladie.
-Une richesse jamais suivie de pauvreté.
-Et une jeunesse sans vieillesse.
Si vous savez filtrer les paroles d’un citoyen qui n’a jamais trempé dans la politique…sachez distinguer la pilule du salut.
Mohamed Hanefi. Sous la première pluie de Bezoul.
Un secours de Dieu, indépendant de la distribution des hommes.
Source : Mohamed Hanefi
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